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Alexandre Jollien  la construction de soi

Fin mai 2013, je rentre tout juste de l’école, un peu blasée, j’ouvre machinalement ma boîte aux lettres et y trouve un livre bleu à la couverture usée… « la construction de soi, un usage de la philosophie » d’Alexandre Jollien… Etrange. Je l’ouvre et y trouve un mot de mon ami Souhail à la première page : « Pour Justine »

 

Quelques semaines auparavant, on avait eu une discussion très profonde tous les deux. J’avais eu l’impression que ce p’tit bonhomme tout frêle, mais d’une extrême sensibilité et intelligence avait lu en moi dès les premiers instants… Il a su mettre des mots sur mes aspirations, sur mes colères, sur ma vision de la vie… Il m’a conseillé de lire de la philosophie, pour répondre aux questions que je me posais sur le monde. C’est vrai que j’ai toujours aimé ça, la philo, même si en prépa mon excellent professeur me disait : « on voit se dessiner de très bonnes idées mais elles n’arrivent pas à être transmise tellement l’expression est médiocre ». En gros je ne sais pas écrire. Le 11 au concours d’école de commerce était un vrai miracle. Bref.

 

Je lis la 4ème de couverture de ce bouquin :La Construction de soi rassemble une série de lettres qui dessinent un usage de la philosophie envisagée comme un mode de vie, une thérapeutique de l'âme. Ici, les philosophes sont interpellés et mis à l'épreuve. Tour à tour, le lecteur côtoie Boèce, Epicure, Schopenhauer, Spinoza ou Etty Hillesum. Ces guides présentent des voies pour se dégager du passé, des regrets ou de la haine de soi. Ils invitent à se libérer du regard d'autrui et ouvrent au risque de l'acceptation. Alexandre Jollien propose un dialogue intérieur qui prend la forme d'une correspondance adressée à Dame Philosophie, cette figure allégorique dont Boèce imagina recevoir la visite alors qu'il attendait dans sa prison d'être exécuté. Dans cet itinéraire, l'auteur esquisse le portrait de Dame Frayeur et de la Mort, avec lesquelles il faut bâtir une vie. Ces lettres entendent dépeindre un état d'esprit qui tente de répondre à l'invite de Spinoza : " Bien faire et se tenir en joie ".

 

J’ai tout de suite été emballée. Bien-sûr j’avais suivi des cours sur ces philosophes en prépa mais, noyée par la charge de travail et la pression, je n’avais pas eu le recul nécessaire pour en retenir quelque chose de constructif. On va tout recommencer alors. Puis ça tombe bien, je voulais justement profiter de l’été 2013 pour commencer à écrire une nouvelle page de ma vie : « sagesse, découverte et quête spirituelle », puisque ma blessure m’empêchait de grimper…

 

Au premier chapitre, Alex s’adresse à « Dame Philosophie », une sorte de personnification qu’il créé et qui représente la totalité de son apprentissage (un peu comme sa maman). Sa gratitude envers elle est si profonde et sincère que ç’en est vraiment touchant, la philosophie a changé sa vie, l’a rendu… heureux, et apaisé.

 

Je ne vais pas expliquer ici toutes les leçons qu’a apprises Alexandre Jollien, ce serait trop long, et j’aurais l’occasion d’en parler dans mes prochains articles. Je vais plutôt me concentrer sur une idée qui est plus ou moins admise par vous tous : l’importance des désirs dans notre vie.

 

Dès les premières pages, Jollien nous parle d’Epicure(-342 à -270, presque 70ans, joli perf) ) : « Avec Epicure, je me suis douté que le bonheur ne se cueillait pas dans l’avoir, mais dans l’être »… Cela me rappelle des souvenirs … J’avais lu La Lettre à Ménécée en prépa, ce petit ouvrage très court et très simple du sage Epicure qui prône une vie sobre… je me souviens même avoir beaucoup apprécié.

 

Quelques chapitres plus loin, Alex s’adresse à Arthur Shopenhauer. Pour ce dernier, l'homme est esclave du désir et oscille entre la souffrance (quand le désir est encore insatisfait) et l'ennui (après la satisfaction). Pour lui, nous sommes en fait des esclaves du vouloir (dans le sens subi), et nous ne pouvons rien y faire, à part si nous restons dans la contemplation, et renonçons à tout désir. Shopenhauer est un philosophe très pessimiste, contrairement à Epicure. Voici ce qu’Alexandre Jollien lui dit :

 

« parfois, je cesse d’alimenter le vouloir, réussissant même à le regarder avec humour. Lorsqu’il me donne un ordre fermement je lui rétorque « tu voudrais me lancer dans ce nouveau périple, me voir traverser des océans, déplacer les montagnes, mais je suis bien où je me trouve. Tu peux rugir, crier, exiger, hurler. Je ne serais pas ton esclave » Pour déconstruire mes appétits, je me penche également sur ce qui lui confère autant d’importance. Tour à tour, je démasque alors l’inquiétude, l’ambition, le besoin de plaire, la convoitise… bref, une foule d’attentes qui m’exilent de moi-même et me plongent dans l’insatisfaction »

 

Wouaw, c’est pas beau ça ? Grâce à la lecture d’un philosophe, Alexandre Jollien a réussi à dissocier ses émotions de son intellect, à les observer… c’est vrai que tous les jours on ne prend pas le temps de réfléchir à tout ça, la quasi-totalité des gens ne se rendent pas compte qu’ils sont régis par le désir, qu’ils sont esclave de lui (plus tard, on dira que c’est le mental)On va revenir à Epicure pour étayer tout ça. Il distingue plusieurs types de désirs. Voici un tableau tiré de Wikipédia, car est bien clair :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je vais essayer de faire simple : Certains de ces désirs nous mènent à la douleur, d’autres au plaisir. Mais certains plaisirs sont très éphémères et mènent indirectement à la douleur. On peut prendre un exemple concret tout simple: Augustin, en couple avec Lena depuis 3ans et super amoureux, est très attiré par la p’tite Jeanne à une soirée après avoir bu trois whiskies. Il craque, et trompe Lena. Ca oui, il a eu beaucoup de plaisir avec Jeanne, et même avec les 2 premiers verres d’alcool qui étaient très agréables… sauf que le lendemain, Lena apprend la nouvelle et ne supporte pas … Elle quitte Augustin sur le champ, qui va partir en dépression pendant 3 ans. Cet exemple prouve à quel point un désir de « plaisir éphémère » peut avoir des conséquences néfastes.

 

Ça c’était un exemple pour la 4ème case, la « variation des plaisir »Pour les désirs vains, c’est facile de comprendre : ce sont des désirs infinis. Le désir de richesse va provoquer le désir d’être toujours plus riche, le désir de pouvoir d’être toujours plus puissant…. Mais essayer d’assouvir ces désirs vains, c’est comme tenter de remplir d’eau une bouteille trouée, celle-ci ne restera jamais remplie, nous laissant toujours insatisfaits.

 

Le sage Epicure nous conseille donc de jouir des plaisirs sobres, de vivre le plus simplement possible pour éviter au maximum les douleurs, et ainsi atteindre le bonheur, « l’ataraxie » (l’absence de douleur). Vous pensez que c’est plus facile à dire qu’à faire ? Faites l’exercice par vous-même ! Prenez 5 minutes pour dresser une courte liste de désirs que vous avez eus récemment. Confrontez à chaque désir, le plaisir qu’il pourrait vous apporter et la douleur qu’il pourrait apporter, directement et/ou indirectement.

 

seriez-vous pas plus heureux si cette liste se limitait à des désirs n’entrainant pas de douleur ?Je vais m’arrêter là, et vous laisser vous pencher sur le bouquin si vous en avez envie, qui est vraiment une belle leçon de vie !

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