Los Pueblos Mancomunados
Dans nos sociétés occidentales, nous pensons que la compétition, l’individualisme, et l’accumulation de richesse sont la norme, et que cela doit nécessairement être le cas partout dans le monde. Pourtant, il y a encore des communautés qui vivent de manière complètement différente. C’est le cas des « Pueblos Mancomunados » à Oaxaca, au Mexique, que j’ai pu rencontrer lors d’un trek de 3 jours organisé par la compagnie d’écotourisme « Expedition Sierra Norte ».
Au début, je pensais que cela pouvait être encore un attrape-touriste, une compagnie capitaliste se faisant de l’argent sur le dos des habitants des villages. En découvrant le vrai fonctionnement de la communauté et de l’entreprise Sierra Norte en parlant avec les différents guides durant 40 km, mon avis a complétement changé. Explications.
Les Pueblos Mancomunados regroupent 8 villages différents : Lachatao,
Amatlan, Yavesia, Llano Grande, Cuajimoyolas, Benito Juarez, La Neveria
et Latuvi, qui ont chacun entre 90 et 900 habitants. En 1993, un touriste
nommé Pablo Luis Laballe venu explorer la Sierra Norte et a eu une idée :
permettre à des touristes de marcher d’un village à un autre, afin de
découvrir la manière dont vivent les populations indigènes, et de les
accueillir pour quelques nuits. L’argent des touristes serviraient alors
à développer les infrastructures et l’emploi. Les habitants ont été séduits
par l’idée, mais à une condition : qu’il n’y ait aucune personne
extérieure à la communauté qui gère le projet, ni même qui soit membre,
pour éviter tout accaparement du projet. Pablo Luis Laballe
a accepté, et s’est retiré humblement.
Depuis voilà 22 ans, cette initiative se développe, et les populations en sont très contentes. L’argent récolté par « Expedition Sierra Norte » sert à rénover les cabanes, améliorer les infrastructures, et payer les employés (tous sans exceptions de la communauté). Ni plus, ni moins. Zéro pesos ne sort pour enrichir un individu en particulier.
Au sein de la grande communauté de Sierra Norte, trois grands principes règnent, ce qui permet aucun débordement : collaboration , équité dans la prise de décision, respect de l’environnement.
Collaboration. Tout d’abord, il y a une vraie connexion entre les villages. Tous les prix sont exactement les mêmes, que ce soit le prix d’une nuitée, le cout des guides ou les repas, pour éviter toute concurrence. De plus, lorsqu’un guide d’un village n’est pas disponible, un autre d’un village différent le remplace, ou bien ils se partagent la tâche pour que cela soit le plus équitable possible.
Ensuite, chaque habitant de chaque village doit faire son « service pour la communauté » de manière bénévole pour la compagnie Sierra Norte: être guide pour les touristes 6h par jour, faire à manger, coordonner… Une fois que chaque habitant aura fait ce service (qui dure de 1 à 2 ans selon les villages), la compagnie pourra envisager de les payer. Pour l’instant, aucun n’es payé (sauf les employés de bureau et les guides supplémentaires en cas de forte affluence) et tout l’argent sert au développement de la communauté entière.
Equité dans la prise de décision. Chaque mois, tous les habitants se regroupent pour prendre les décisions de la communauté entière. Il n’y a pas de maire, de chef, seulement un coordinateur… 1 vote=1 voie et ce à partir de l’âge de 16 ans. Cela fonctionne également pour toutes les prises de décision concernant la compagnie Sierra Norte, ainsi que les deux autres entreprises intra-communautaires : India Pura, compagnie de récupération d’eau de source et de mise en bouteille, et Industria Forestal, compagnie de préservation de la forêt.
Chaque village a son propre conseil citoyen indépendant et donc ses propres règles, ce qui ne remet pas en cause la collaboration de chaque village entre eux afin de faire fleurir l’entité complète « Pueblos Mancomunados ». Le gouvernement de Mexico n’intervient absolument pas, ou seulement pour aller dans le sens du projet écotouristique..
Préservation de l’environnement. Depuis toujours, la nature est sacrée, et doit être une ressource partagée, non accaparée par quelques-uns. La forêt est gérée par la compagnie « Industria Forestal », dont les décisions sont prises par l’ensemble de la communauté, comme expliqué plus haut. Seuls ceux qui font leur service communautaire ont le droit de se servir du bois individuellement. Si une personne est surprise à se servir sans permission, ou à vouloir extraire de la matière première pour son propre bénéfice, la communauté se rassemble pour prendre une décision et en quelques sortes « punir » cet individu.
Dans la forêt, chaque arbre est « testé » avant d’être coupé. Les bûcherons coupent un tout petit morceau du tronc de l’ordre de 10cm pour connaitre la qualité du bois grâce à une méthode ancestral. Seuls les arbres dont le bois est vraiment utile sont coupés… Et bien sûr, d’autres arbres sont replantés
Quand j’ai demandé au guide s’il arrivait à bien vivre sans argent , il a souri. « Ici, nous n’avons pas besoin beaucoup d’argent. Nous produisons tout ce dont nous avons besoin pour manger. Quand on fait notre service communautaire, on a accès au bois, à la terre et à l’eau. Sinon, il suffit juste de vendre un peu des récoltes en ville ou aux touristes pour se payer cela. »
Ces trois jours ont été un bel apprentissage. Ces individus savent se contenter de peu et sont peut-être plus heureux que nous, car n’ont pas cette culture de désirer toujours plus et de finalement n’être jamais satisfait.
Il ne s’agit pas de cracher sur les avantages individuels que nous avons dans nos sociétés occidentales, notre grande liberté et la place du mérite. Il s’agit plutôt de s’inspirer de ces modes de fonctionnement pour plus de collaboration, de justice, de bonheur et de respect de l’environnement au sein de nos villes et de nos entreprises.
A gauche, un arbre dont on a simplement coupé un morceau pour tester la qualité du bois. Il ne sera finalement pas coupé.